Le généticien Jean-Louis Mandel est lauréat du prix Kavli 2022 | Savoirs

L’académie norvégienne des sciences et des lettres a fait connaitre ce mercredi 1er juin la liste des chercheurs lauréats de son prestigieux prix scientifique. Onze chercheurs sont distingués cette année, dont quatre en neurosciences. Dans cette dernière catégorie, le médecin généticien strasbourgeois Jean-Louis Mandel est récompensé pour ses travaux sur le syndrome de l’X fragile.

Entouré de collaborateurs et de représentants des tutelles de l’IGBMC (Unistra, CNRS, Inserm), Jean-Louis Mandel a célébré cette annonce lors d’une petite réception organisée en son honneur, le jour-même. Le chercheur émérité de 79 ans a retracé l’historique de ses recherches en génétique humaine, débutées en 1982, sous la direction de Pierre Chambon, rue Humann, à la Faculté de médecine : l’IGBMC n’existait pas encore. Son émotion était vive au souvenir de l’année 1991, faite d’excitation et de tristesse mêlées : les découvertes majeures dans la détermination des causes du syndrome de l’X fragile, et le décès d’Isabelle Oberlé, l’une de ses plus proches collaboratrices. Reconnaissance de recherches initiées il y a longtemps, il dédie ce prix à la nouvelle génération de chercheurs talenteux qui ont pris la suite de ses travaux. Juliette Godin et Minchul Kim sont en particulier de récents lauréats d’une bourse ERC. Ce prix – 1 million de dollars partagé avec ses trois co-lauréats – vient mettre un peu de beurre dans les épinards !  s’est félicité Jean-Louis Mandel, avec une bonne humeur dont il semble rarement se départir. Nous travaillons en lien étroit et au service des malades et de leurs famille, a-t-il encore tenu à rappeler, vêtu pour l’occasion non pas d’une cravate mais… d’un tee-shirt de l’association des Goélands dont il est proche, représentant les malades du syndrome de l’X fragile.

Les travaux de Jean-Louis Mandel ont permis d’améliorer les outils de diagnostic du syndrome de l’X fragile

Le chercheur a découvert une mutation inhabituelle dans un gène du chromosome X qui provoque le syndrome de l’X fragile, une forme héréditaire de déficience intellectuelle, y compris l’autisme, qui se manifeste le plus souvent chez les hommes. Il a montré que la mutation était une chaîne de répétitions à triple lettre qui perturbait le gène FMR1. De telles répétitions perturbent la transcription de la protéine FMRP, qui est essentielle au fonctionnement du cerveau. Aujourd’hui, les « expansions de répétitions instables » sont reconnues comme un mécanisme pathologique commun responsable de plus de 50 troubles génétiques. Un schéma familier est également apparu : lorsque le nombre de répétitions augmente à chaque génération, les symptômes apparaissent plus tôt et sont plus graves. La compréhension de ces expansions de répétitions instables fournit un modèle pour de nombreuses maladies neurologiques. Les travaux de Jean-Louis Mandel ont permis d’améliorer les outils de diagnostic du syndrome de l’X fragile.

Une importante reconnaissance scientifique

Ce prix vient honorer des travaux initiés en 1983 que j’ai pu mener grâce à la qualité et la forte motivation des jeunes membres de l’équipe (et surtout d’Isabelle Oberlé, décédée en 1991 à l’âge de 35 ans), la collaboration avec des généticiens en France et à l’étranger, et la participation indispensable des familles de patients. En 1991, nous avons mis en évidence un étonnant mécanisme mutationnel, jamais observé auparavant associant une expansion instable de répétitions du motif CGG et une modification épigénétique.

Le mécanisme que nous avons mis en évidence a permis de mettre au point un test pour le diagnostic et le conseil génétique qui a été utilisé internationalement pendant 20 ans

Ceci a permis de comprendre la transmission familiale très particulière de ce syndrome, et de mettre au point un test pour le diagnostic et le conseil génétique qui a été utilisé internationalement pendant 20 ans. Nous avons pu poursuivre avec succès l’investigation des mécanismes génétiques et cellulaires du syndrome X fragile, avec des jeunes chercheurs, postdocs et étudiants enthousiastes, en bénéficiant de collaborations avec les plateformes techniques et certaines des équipes de l’IGBMC. Ce travail y est poursuivi avec des perspectives thérapeutiques par Hervé Moine, et aussi par Nicolas Charlet sur le syndrome neurodégénératif FXTAS lié au même gène et à une expansion plus modérée, explique Jean-Louis Mandel.

Docteur en médecine et docteur en sciences, Jean-Louis Mandel a été professeur de génétique à la Faculté de médecine de Strasbourg jusqu’à sa nomination au Collège de France. Il a aussi été directeur, puis directeur-adjoint de l’IGBMC. Il a également dirigé un important laboratoire de diagnostic moléculaire de maladies génétiques au Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Strasbourg.

On peut noter aussi qu’il est le fils du chercheur Paul Mandel, qui a fondé le Centre de neurosciences de Strasbourg.

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